Les politiques monétaires d’assouplissement quantitatif sont des échecs et pourtant, des deux côtés de l’Atlantique, on les poursuit et les amplifie…
Janet Yellen, la présidente de la Fed (banque centrale américaine), et Mario Draghi, le président de la BCE (Banque centrale européenne), font peu ou prou le même constat à quelques semaines d’intervalle. De part et d’autre de l’Atlantique, les statistiques économiques déçoivent et montrent que les politiques monétaires d’assouplissement quantitatif n’ont pas donné les résultats attendus : la croissance est insuffisante (2,3 % sur les six premiers mois aux États-Unis, 1,2 % en zone euro), de même que l’inflation (respectivement nulle et négative). Le chômage reste élevé, les salaires stagnent, ainsi que la consommation.
Il s’agit bien d’une tendance déflationniste. Janet Yellen et Mario Draghi savent que remonter les taux dans un tel contexte serait dangereux. C’est pourquoi la Fed a décidé de les laisser inchangés le 18 septembre dernier, et la BCE prenait la même décision le 22 octobre. Le jour suivant, la Banque centrale de Chine décidait, à son tour, d’abaisser ses taux directeurs (pour la sixième fois en un an)…
Pourquoi ces politiques n’ont-elles aucun effet sur l’économie réelle ?
Théoriquement, lorsqu’une banque centrale injecte des liquidités dans l’économie et rend le crédit moins cher, les entreprises reprennent leurs investissements et leurs embauches, le chômage diminue, la consommation repart et le taux de croissance remonte. Mais, dans les faits, rien de tout cela ne s’est produit.
Car, même avec des conditions de crédit plus faciles, les entreprises, confrontées à l’absence de perspectives commerciales, choisissent de ne pas investir, par prudence. Les banques, quant à elles, préfèrent placer les masses de liquidités sur les marchés financiers, ce qui a pour effet la hausse des cours, en totale déconnexion avec les performances économiques réelles. Nous sommes sur une bulle monétaire gigantesque ! C’est la raison pour laquelle l’économie réelle ne repart pas et que la déflation s’installe.
Pour la première fois dans l’Histoire, un cocktail d’inflation-déflation
Nous vivons une situation tout à fait nouvelle où la déflation des biens et des services (baisse des prix et des salaires) coexiste avec l’inflation des actifs (surévaluation artificielle des actions, obligations, biens immobiliers, matières premières). D’une part, l’économie réelle suit une tendance déflationniste très préoccupante, d’autre part, les actifs font l’objet d’une spéculation effrénée, nourrie par les injections monétaires des banques centrales, et voient leur cours gonfler de manière totalement déconnectée de la réalité.
Il est vrai que l’assouplissement quantitatif mené par la Fed en 2010 a apporté des liquidités aux banques qui ne se prêtaient plus entre elles, à la suite de la crise des subprimes, et a joué un rôle important. Mais cinq années ont passé. Et nous allons de désillusion en désillusion. En l’occurrence, la production américaine de pétrole de schiste a nourri une nouvelle illusion de retour vers une croissance soutenue.
De désillusion en désillusion…
La baisse des cours du pétrole était censée apporter la prospérité. En Europe, cette baisse a été annihilée par la hausse du dollar par rapport à l’euro. Aux États-Unis, cette baisse a provoqué des faillites en cascade dans le secteur du schiste et la perte de milliers d’emplois directs ou indirects. Le gain de pouvoir d’achat ne s’est pas transformé en regain de la consommation, car les consommateurs ont préféré épargner, pour une partie, et les autres ont augmenté leur consommation d’essence en roulant davantage. Quant aux entreprises américaines, en théorie, la baisse des cours du pétrole leur serait profitable, mais ce pays est tellement désindustrialisé que les effets bénéfiques passent inaperçus et ne compensent en rien les pertes d’emploi du secteur du pétrole de schiste. En outre, à l’échelle mondiale, la baisse des cours du pétrole accentue la déflation et la décroissance. En effet, les pays importateurs tels que la France ne peuvent plus compter sur l’inflation importée notamment par les matières premières pour donner une illusion de croissance.
Par ailleurs, s’il est vrai que l’immobilier est un secteur créateur d’emplois, le vieil adage « Quand l’immobilier va, tout va » n’est plus vrai aujourd’hui. La hausse des prix de l’immobilier engendre inévitablement une hausse des loyers qui ponctionne le pouvoir d’achat (déjà bien fragilisé) des consommateurs. C’est ce qui se passe actuellement aux États-Unis, où la flambée des loyers ne profite qu’à une partie minoritaire de la population, celle qui a les moyens de s’offrir ce type d’actifs.
A ce sujet, écoutez ci-dessous l’intervention de Philippe Béchade sur la politique monétaire menée par Mario Draghi.
Vendredi 23 Octobre 2015, Philippe Béchade, rédacteur en chef de la bourse au quotidien et Président des Econoclastes est revenu sur la conférence de presse donnée par Mario Draghi, le directeur de la BCE, jeudi à Malte.
L’intervention de Philippe Béchade est sans appel : selon lui, M. Draghi a tombé le masque et laisse désormais voir à quel point sa politique monétaire ne sert que l’intérêt exclusif des marchés financiers, au détriment de l’économie réelle, et en jouant à un jeu qui pourrait se révéler particulièrement dangereux avec les autres Banques centrales.
Philippe Béchade: Mario Draghi est un manipulateur et un menteur invétéré !