DEFI EUROPEEN A PRENDRE EN COMPTE : Si l’Ukraine rejoint l’Union Européenne, il faudra que tous les pays membres participent énormément financièrement pour aider les Ukrainiens à rehausser leur niveau de vie…Il s’agit d’un des pays les plus pauvres de cette région !

Quelques jours après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, le régime ukrainien a demandé son adhésion à l’Union européenne.

Cela est compréhensible du point de vue de Kiev. Si l’Ukraine doit se voir refuser l’adhésion à l’OTAN – comme cela semble de plus en plus être le cas – le régime ukrainien pourrait néanmoins accroître ses liens géopolitiques avec l’Occident en adhérant à l’UE. De plus, étant donné que l’UE s’oriente vers la création de ses propres institutions militaires européennes, l’adhésion à l’UE pourrait signifier l’adhésion à un pacte militaire occidental.

La réponse de nombreux membres de l’UE à l’adhésion de l’Ukraine a été « ok, mais pas encore ».

Cette réponse est compréhensible pour quiconque connaît la situation économique actuelle en Ukraine.

L’Ukraine est très clairement le pays le plus pauvre d’Europe et apporterait très peu à l’UE en termes de productivité économique. Au contraire, l’Ukraine deviendrait probablement une ponction sur les programmes de développement et de lutte contre la pauvreté de l’UE qui ont déjà passé plus de 20 ans à inonder les parties les plus pauvres de l’UE de richesses produites dans les parties les plus riches. Autrement dit, la richesse a coulé pendant des décennies du nord et de l’ouest de l’Europe vers l’est et le sud.

L’ajout de l’Ukraine rendrait cette inadéquation encore plus extrême. De plus, l’Ukraine a été exceptionnellement médiocre en termes de croissance économique, de corruption et de droits de propriété, même selon les normes des autres anciens États du bloc de l’Est. En d’autres termes, le progrès économique et les droits de propriété dans des endroits comme la Pologne, la Hongrie et les pays baltes ont progressé tandis que l’Ukraine a pris de plus en plus de retard. Si l’Ukraine rejoint l’UE, l’Ukraine sera le plus grand « cas pour lequel les autres pays devront faire preuve de charité » en Europe à ce jour.

L’Ukraine est plus pauvre que l’Albanie et la Bosnie

La plupart des États les plus pauvres d’Europe sont ainsi à cause de leur héritage du communisme. Tout État qui a été soumis au communisme pendant une période significative va se retrouver beaucoup plus pauvre que l’Occident. Nous pouvons le voir dans le fait que l’ancienne Allemagne de l’Est est à ce jour la partie la plus pauvre de l’Allemagne, même après avoir été soutenue par l’aide sociale ouest-allemande depuis 30 ans maintenant. Sans surprise, les autres États de l’ancien Pacte de Varsovie présentent des inconvénients similaires. Beaucoup de progrès ont été réalisés depuis l’effondrement de l’URSS, mais l’Ukraine n’est même pas dans la catégorie que les autres États de l’ancien rideau de fer.

Aujourd’hui, l’Ukraine est proche d’être le pays le plus pauvre de toute l’Europe. Si nous regardons tous les États d’Europe, à l’exception des micro-États (qui ont tendance à être riches), l’Ukraine est l’avant-dernière avec un PIB par habitant de 12 376 $. Seuls les non-membres, la Moldavie et le Kosovo, sont inférieurs à 12 324 $ et 10 795 $, respectivement. Cela place l’Ukraine bien en dessous de la Bulgarie, membre actuellement le plus pauvre de l’UE. La Bulgarie a un PIB par habitant de 22 379 dollars, 80 % supérieur à celui de l’Ukraine.

Le PIB par habitant de l’Ukraine est une petite fraction des États membres riches de l’UE comme l’Allemagne, où le PIB par habitant est plus de quatre fois supérieur à celui de l’Ukraine.

(À titre de comparaison, une telle inégalité n’existe pas aux États-Unis. Le plus grand écart aux États-Unis est d’environ 2 pour 1, le Massachusetts ayant un PIB par habitant un peu plus du double de celui du Mississippi.)

Si nous comparons l’Ukraine dans un contexte mondial, nous constatons que le PIB par habitant de l’Ukraine est similaire à celui de l’Iran, de l’Égypte et de l’Afrique du Sud. Le PIB par habitant du Mexique est supérieur de 44 % à celui de l’Ukraine.

Une autre mesure potentiellement utile de la situation économique d’un pays est sa population. L’Ukraine a dépeuplé l’un des taux les plus élevés de la région alors que les résidents émigrent vers l’Ouest à la recherche d’un meilleur emploi et d’un meilleur niveau de vie. La population de l’Ukraine a diminué de 10 % depuis 2000, tandis que la population de la Russie a diminué de 1,7 % au cours de la même période. La perte de population de l’Ukraine est comparable à celle de certains des pays les plus pauvres d’Europe, comme la Roumanie, où la population a diminué de 14 % depuis 2000.

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas en Ukraine ?

La piètre performance de l’Ukraine par rapport aux autres pays de l’ancien bloc de l’Est n’a pas échappé à de nombreux observateurs. À ce jour, beaucoup continuent de se demander ce qui sous-tend le problème. Basil Kalymon et Oleh Havrylyshyn on écrit ceci :

L’Ukraine aurait dû être un pays prospère à revenu intermédiaire à ce jour. Au lieu de cela, c’est l’un des plus pauvres d’Europe. Les Ukrainiens ne sont que légèrement plus riches que les Moldaves.

Depuis l’indépendance de l’Ukraine, en tant que membres de la diaspora, nous nous intéressons vivement au développement du pays. Avec la désintégration de l’Union soviétique, on s’attendait à ce que la stagnation économique imposée à l’Ukraine par le système communiste appartienne au passé. Avec son abondance de ressources naturelles et son potentiel humain, nous pensions que l’Ukraine deviendrait rapidement une nation européenne prospère.

Cela ne s’est pas de tout réalisé.

Toutes choses étant égales à bien des égards par ailleurs, bien sûr, une des causes en est le fait que l’Ukraine était plus socialiste à l’époque soviétique que nombre de ses voisins. La durée et l’intensité d’une économie socialiste sont en corrélation avec le temps nécessaire pour sortir de la pauvreté. L’écart entre l’Allemagne de l’Est et l’Allemagne de l’Ouest peut être généralisé à une comparaison entre l’Europe occidentale et l’Europe orientale et en général.

Ainsi, il importe que l’Ukraine soit gouvernée directement depuis Moscou alors que, disons, la Pologne était un État partiellement autonome. De plus, le régime de Moscou a eu plus de temps – le plus désastreusement sous Staline – pour imposer la socialisation complète de l’économie en Ukraine. Ce processus n’a jamais été pleinement mis en œuvre dans des États comme la Pologne.

Par exemple, lorsque les marionnettes soviétiques en Pologne ont tenté d’imposer des réformes agraires communistes dans les années 1940 et 1950, les propriétaires terriens polonais ont furieusement résisté. Cette résistance a survécu à Staline et ces réformes n’ont jamais pleinement pris effet. De plus, dans les années 1980, les Polonais avaient réussi à forcer l’État polonais à autoriser les petites entreprises et une économie artisanale privée. En revanche, ce type d’entreprise privée avait presque complètement disparu en Ukraine. Ainsi, lorsque l’Union soviétique s’est finalement effondrée, une grande partie de l’Europe de l’Est contenait encore des vestiges d’une culture de la propriété privée alors que l’Ukraine n’en avait presque pas du tout.

Pourtant, cette explication n’est pas pleinement satisfaisante car l’Ukraine a même sous-performé la Russie elle-même. La Russie, bien sûr, n’avait guère plus de liberté d’entreprise que l’Ukraine lorsque l’URSS s’est effondrée. Si nous regardons en arrière, cependant, nous constatons que l’Ukraine était moins performante même à la fin de l’époque soviétique. Cela a continué dans la décennie qui a immédiatement suivi l’effondrement de l’URSS. Comme l’a noté Pekka Sutula.

En 1991, l’Ukraine était l’une des républiques soviétiques les plus pauvres. Les statistiques de l’époque sont notoirement incertaines, mais les meilleures disponibles montrent que le PIB de l’Ukraine n’est que de 1 307 dollars par habitant. Seuls l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan étaient à la traîne de l’Ukraine ; même la Moldavie et le Turkménistan, généralement considérés comme des républiques soviétiques très pauvres, devançaient l’Ukraine.

L’économie ukrainienne s’est contractée annuellement entre 9,7 et 22,7 % en 1991–1996. Le pays a connu une hyperinflation et une baisse de production exceptionnellement importante pour un pays qui n’a pas été ravagé par une guerre majeure. Le PIB officiel s’est effondré de près de moitié entre 1990 et 1994, et le lent déclin s’est poursuivi tout au long de la décennie. La croissance économique ne reprendra qu’en 2000.

Pourtant, plus de trente ans après l’effondrement de l’État russe l’Ukraine est resté pareil à elle-même à ce jour – l’ Ukraine continue de prendre du retard sur d’autres États qui ont également enduré le socialisme et la domination soviétique.

Le drame est le fait que ce genre de phénomène s’est également reproduit dans une grande partie du monde. Comme le montre Sutela, l’Ukraine n’a tout simplement jamais produit d’institutions fiables conçues pour protéger la propriété privée, faciliter le commerce ou assurer la prévisibilité des politiques avec lesquelles les entrepreneurs et les propriétaires privés peuvent travailler. La réalité, plutôt, a été la corruption et la kleptocratie à un niveau qui dépasse largement les autres États de la région.

Les économies prospères exigent au moins une quantité utile de respect pour la propriété privée dans la loi et la législation. Les entreprises doivent savoir qu’elles ne seront pas expropriées ou soumises à des impôts exorbitants. Les régimes corrompus comme celui de l’Ukraine, en revanche, ont tendance à être impossibles à planifier et sont souvent punitifs à un niveau tel que l’entreprise privée « n’en vaut pas la peine ». Dans ces conditions, seul le marché noir peut prospérer. Tous les États, bien sûr, pratiquent un certain niveau de vol par le biais de la fiscalité et l’exercice du pouvoir arbitraire par l’application capricieuse de la loi et de la réglementation. Mais certains États sont bien pires que d’autres à ce sujet. L’Ukraine n’a jamais réussi à se débarrasser des habitudes soviétiques à cet égard.

Il sera intéressant que les États membres de l’UE veuillent s’attaquer à cet homme malade de l’Europe par souci de solidarité avec un pays qui subit actuellement le malheur de l’invasion et de la destruction économique.

Cela deviendra encore plus problématique lorsqu’il deviendra plus clair que l’Ukraine d’après-guerre sera encore plus pauvre que l’Ukraine mesurée dans les statistiques que nous avons examinées ici. Que Moscou ait ou non prévu un changement de régime à Kiev est désormais moins important que la manière dont l’Ukraine sera divisée après la guerre, ce qui est probable. Si Moscou réussit à s’emparer de portions importantes du sud et de l’est de l’Ukraine, cela fera de la « croupe ukrainienne » occidentale un pays plus agricole, moins urbanisé et plus pauvre. Comme l’a noté Richard Connolly au lendemain de la crise de 2014 :

L’ouest de l’Ukraine serait relativement rural, avec seulement 14,4 millions de ses 24 millions d’habitants (57%) classés comme citadins. En revanche, l’est de l’Ukraine serait un État moins peuplé mais plus urbanisé, avec 79 % vivant dans des zones urbaines.

L’Ouest serait plus pauvre que l’Est. Le revenu mensuel moyen non pondéré actuel des régions de l’ouest de l’Ukraine est de 291 dollars américains, contre 320 dollars américains dans l’Est. Ces moyennes cachent d’importantes variations régionales, Kiev et sa région environnante étant les seules régions de l’Ouest dont les revenus moyens sont supérieurs à la moyenne ukrainienne actuelle.

Dans l’Est de l’Ukraine, le revenu moyen est presque uniformément plus élevé qu’à l’ouest. Seule Kherson, une région peu peuplée juste au nord de la Crimée, est plus pauvre que la moyenne de l’Ukraine occidentale.

La poursuite de l’appauvrissement de l’Ukraine placera probablement ce pays au dernier rang absolu de tous les États européens en termes de revenus et de productivité. Le PIB par habitant baissera encore plus. L’UE peut toujours accepter l’Ukraine en tant que membre, bien sûr, mais ce sera un État qui apportera d’énormes défis à la fois économiques et géopolitiques.

Source: zerohedge

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