Certaines décennies sont plutôt faciles et expansives, d’autres sont au contraire difficiles à compliquées mais nécessaires pour jeter les bases des progrès futurs.
Beaucoup de gens rejettent l’idée de cycles historiques en raison de leur imprécision. Je comprends l’attrait de cette objection, mais il est néanmoins frappant de constater que les décennies de transformation ont tendance à se manifester par cycles plutôt qu’uniformément dans le temps.
Comparez les décennies des 70 dernières années : de 1952 à nos jours. Dans quelle mesure la culture et l’économie des États-Unis étaient-elles différentes entre 1952 et 1959 ?
Bien qu’il y ait eu des progrès dans les droits civils et dans la prospérité, l’air du temps (l’apparence, la sensation, les valeurs, les attentes, les croyances, les perspectives, l’humeur, etc.) de 1959 n’était pas très différent de celui de 1952 : vêtements, films, guerre froide, la ségrégation, etc. étaient manifestement similaires de cette même époque.
Elvis, Chuck Berry et d’autres ont animé la musique populaire, mais l’impact global du rock / R&B s’est limité au divertissement et à la culture des jeunes.
Maintenant, comparez l’air du temps de 1962 et celui de 1969. L’air du temps de 1969 n’avait rien à voir avec l’air du temps de 1962. Ce n’étaient pas seulement les vêtements et la musique qui avaient changé ; les valeurs, les attentes, les croyances, les perspectives, l’humeur et les structures politiques, sociales et économiques avaient été transformées d’une manière qui s’est répercutée sur les décennies à venir.
Les années 1960 n’étaient pas seulement tumultueuses ; la décennie a été transformatrice. Les mouvements des droits civiques, féministes et écologistes ont changé les lois, les valeurs, la culture, la politique, la société et l’économie. Sur le plan économique, la stagflation des années 1970 était une conséquence des changements survenus dans les années 1960, sans oublier tout ce qui s’opérait en sous-marin.
En 1969, la musique populaire d’un demi-siècle (1919) aurait tout aussi bien pu être la musique d’un siècle passé. Pourtant, ici en 2022, la musique de la fin des années 1960 et du début des années 1970 est toujours écoutée, achetée et influente aujourd’hui, plus de 50 ans après.
Les cycles sont souvent le résultat des forces interconnectées des guerres, des troubles économiques, des pénuries énergétiques/alimentaires et des forces économiques et sociales à grande échelle : la transition du bois au charbon, par exemple, ou l’immigration massive générée par les mauvaises récoltes et la pauvreté.
Les années 1920 sont un autre exemple d’une décennie de transformation rapide qui a jeté les bases de la Grande Dépression des années 1930. De nouvelles libertés d’expression personnelle ont rendu les années 1920 différentes de l’ère de l’immédiat après-guerre de 1919-1920.
Les années 1870 ont été une autre décennie qui a transformé les économies et les sociétés à l’échelle mondiale. Le boom des investissements dans les chemins de fer après la fin de la guerre civile américaine, les réparations imposées à la France après la guerre franco-prussienne de 1870, la fin de la monnaie d’argent aux États-Unis, un boom boursier spéculatif en Europe qui s’est effondré dans la panique de 1873 – toutes ces dynamiques se sont renforcées, ce qui a conduit à une dépression mondiale qui, selon certains, a duré jusque dans les années 1890.
Pourtant, malgré l’échec des chemins de fer et des banques et le chômage et la souffrance généralisés, la deuxième révolution industrielle a continué de transformer les économies alors que le charbon, le fer, l’acier, la fabrication, les transports et l’urbanisation ont tous changé les fondements des économies mondiales.
L’expansion industrielle des puissances occidentales a conduit la colonisation et les réactions à la colonisation telles que la restauration Meiji de 1868 qui avait transformé le Japon.
Nous pouvons bien sûr déceler des changements à chaque décennie de l’histoire humaine, mais la célèbre exagération de Lénine (« Il y a des décennies où rien ne se passe ; et il y a des semaines où des décennies se produisent ») témoigne de la façon dont diverses dynamiques s’accumulent sous la surface, interagissent avec d’autres forces puis éclatent.
Le monde de 2030 pourrait-il ressembler ou être complètement différent du monde de 2022, qui continue de côtoyer à la fois les excès et les points faibles de la croissance économique avec déboires relatifs à la financiarisation et à la mondialisation extrême ?
Moi, j’en suis convaincu. Les cycles précédents ont émergé des excès financiers d’expansion ou de contraction, des séquelles liées à des guerres, des changements économiques profonds à mesure que les sources d’énergie se développent (passage du bois au charbon puis au pétrole) ou se contractent (épuisement des forêts) et du changement climatique (les « années sans été » dans les années 1630, etc.).
Bien que beaucoup pensent que la prochaine expansion énergétique commence (fusion ou autre énergie nucléaire, solaire/éolien), les aspects pratiques de la physique, l’épuisement des ressources et les coûts ne soutiennent guère ces projections.
Par exemple, les États-Unis auraient besoin de construire des centaines de réacteurs nucléaires au cours des 20 prochaines années pour réduire la consommation d’hydrocarbures, mais seuls deux réacteurs ont été construits au cours des 25 dernières années.
Rien ne prouve que les ressources, matérielles et financières, et la volonté politique nécessaires pour construire 500 réacteurs dans les 20 prochaines années soient disponibles.
Si une quantité massive d’énergie éolienne et solaire est installée au cours des 20 prochaines années, tous les systèmes qui ont 20 ans devront être remplacés car ils seront usés. Ils ne sont pas renouvelables, ils sont remplaçables.
Ainsi, nous sommes confrontés à une contraction de l’énergie en même temps que les dérives de la financiarisation et de la mondialisation qui ont conduit à l’expansion d’un effondrement.
Ce dénouement ne sera pas linéaire, c’est-à-dire progressif et prévisible. Il sera non linéaire et imprévisible, avec des changements apparemment modestes faisant s’effondrer les chaînes d’approvisionnement à cause de leurs excès spéculatifs.
Les extrêmes d’inégalité et de répression agissent comme des balanciers. Une fois qu’ils ont atteint le point final maximal de l’élan, ils s’inversent et tracent une ligne vers l’extrême opposé, avec un peu moins d’instabilité.
Beaucoup de ces dynamiques sont déjà visibles. Ce qui n’est pas encore visible, c’est l’accélération rapide et le renforcement mutuel de ces dynamiques.
Les époques d’expansion peuvent être libératrices et positives, mais rien ne garantit que la libération et le plaisir seront répartis de manière égale.
Les ères de contraction sont rarement une partie de plaisir, et la misère est largement répartie. Qu’on le veuille ou non, l’ère des dérives lorsqu’il y a une certaine croissance économique, ce qui promet d’être un processus non linéaire.
Mais cela ne signifie pas que le résultat final ne sera pas positif. Des transformations tumultueuses peuvent préparer le terrain pour une prospérité et une libération plus largement distribuée. Certaines décennies sont faciles à vivre et expansives, d’autres sont compliquées mais nécessaires pour jeter les bases des progrès futurs. Que sera 2022-2030 ? Restez à l’écoute.
La musique de la fin des années 1960 était remarquablement différente de la musique de 1962 – sans parler de 1952 ou de la musique populaire de cinquante ans plus tôt en 1919.
Source: zerohedge
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